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" Fiers d'être horticulteurs depuis la vente au détail "

Pour François Ritlewski et Patrick Hugli, dirigeants de Proflora (24), Anne-Marie Hugli et Christine Ritlewski, la mise en scène du végétal et le service sont des composantes essentielles de la vente au détail.

François Ritlewski et Patrick Hugli, gérants de Proflora (24), sont passés de la vente en gros à la vente au détail. Ils doivent leur réussite actuelle au respect de plusieurs règles : délimitation claire des activités de production et de commerce, choix de la qualité du végétal, animation régulière du point de vente...

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François Ritlewski et Patrick Hugli dirigent Proflora, à Bergerac (24) depuis 1995. Les deux hommes lancent alors l'entreprise intégralement sur la vente en gros pour les jardineries. Mais au fil des années et des remises arrière, escomptes, services non rémunérés, produits réservés et non achetés, ils voient leur marge s'éroder et leur fierté mise à mal, et finissent par prendre la décision en 2002 de se tourner, au moins en partie, vers le détail. Ils cessent leur collaboration avec une grande enseigne de jardinerie. L'opération ne s'effectue pas sans péripétie. Proflora échappe à une procédure de référé engagée par l'enseigne pour concurrence déloyale et non-respect de la loi Royer (texte encadrant les projets de création de commerce). Toutefois, à l'époque, la société n'entre pas dans le champ de la CDEC (Commission départementale d'équipement commercial) car la majorité des produits vendus proviennent de l'exploitation (voir encadré), et l'enseigne est déboutée de sa demande. Les producteurs engagent une réflexion sur leur nouveau marché - quelle clientèle, comment organiser le point de vente - et le développent.

« Nous avons pu tirer notre épingle du jeu de ce changement », précise François Ritlewski. Mais pour cela, l'entreprise a dû passer par l'étape difficile de la restructuration en 2011, avec le licenciement économique de huit personnes et le passage à 100 % de la vente au détail. « Nous avons travaillé pendant des années avec des coopératives, en développant la qualité. Puis les choses ont changé et la demande a porté sur des produits toujours moins chers, qui ne correspondaient pas à ce que nous proposions. » Première conséquence de l'arrêt de la vente en gros : la diminution de deux tiers des quantités produites, et cela sans diminuer la largeur de gamme. « Le développement de la vente aux particuliers a nécessité de se diversifier encore plus, notamment en produits de pépinière et en vivaces », précise Patrick Hugli. Du gain de superficie, plusieurs bénéfices apparaissent. « Les plantes moins tassées sont moins sujettes aux maladies. Nous sommes devenus plus sereins dans la gestion de l'espace, et dans celle du personnel. » Le passage au « tout-détail » permet à Proflora de s'affranchir des problèmes de logistique. Côté humain également, les producteurs s'épanouissent : « Les clients vous saluent, viennent vers vous car ils savent qu'ils trouveront les bons conseils, vous disent "C'est beau chez vous !" Depuis que nous vendons au détail, nous sommes de nouveau fiers d'être horticulteurs. »

Ces professionnels tirent un avantage de leur expérience de la vente en gros. « Être producteur de gros implique d'endosser plusieurs casquettes : commerce, gestion du personnel, logistique, communication... » Ils appliquent à la vente au détail les mêmes outils organisationnels, qui leur permettent d'assurer une traçabilité des produits de la production au passage en caisse, avec des codes à barres et le logiciel de caisse Progmag. Par ailleurs, ils adhèrent dès 2003 au réseau HPF (Horticulteurs et pépiniéristes de France). « Nous nous sommes dit que nous avions tout intérêt à faire partie d'un groupe pour réfléchir et avancer. Rapidement, nous avons pris part au fonctionnement du réseau. » Grâce à HPF, les horticulteurs visitent d'autres entreprises, découvrent des stratégies qui marchent, profitent de remarques constructives... « Nous entrons dans un cercle vertueux qui nous permet d'être plus détendus et positifs. Cette approche collégiale et cette volonté d'aller de l'avant nous ont séduits chez HPF. » Le réseau fournit de nombreux outils et services à ses adhérents, dont toute une signalétique personnalisable.

« Nos produits sont clairement ventilés au moment de la vente entre l'EARL Proflora et la SARL de négoce, ce qui nous permet d'être clairs fiscalement. Aujourd'hui, de nombreux confrères sont en difficulté, car ils ont monté leur structure de telle façon qu'ils se retrouvent redevables de la Tascom, taxe sur les surfaces commerciales, (voir encadré). Si l'EARL vendait ses produits à la SARL, le CA de cette dernière exploserait et elle subirait la taxe. »

« Le végétal crée de l'émotion, d'où l'importance de le mettre en scène. Le client veut reproduire les mêmes ambiances chez lui. » Les compositions d'intérieur et d'extérieur (fenêtre, deuil...) font partie de cette mise en valeur, avec une période de Noël particulièrement propice : près de 1 000 compositions pour un total annuel de 3 000 à 4 000. « C'est vrai que la TVA est élevée sur les compositions (20 %), mais c'est tellement joli que le client craque », sourit François Ritlewski. Les calicots personnalisés, réalisés par HPF à partir de photos envoyées par l'entreprise, attirent l'oeil du visiteur. Ce dernier est pris par la main : ici, des kits de haie basse (huit arbustes, du terreau, du compost, des conseils), là des exemples de compositions en jardinières. Toutes les plantes sont étiquetées avec nom, prix et conseils. « Actuellement, nous mettons en place le service Coach Jardin proposé par HPF en lien avec Progmag », explique Anne-Marie Hugli, la soeur de Patrick. Cela nécessite un gros travail de préparation sur le fichier produits.

Sur la base d'un fichier clients de 7 000 à 8 000 contacts, la société envoie deux courriers par an dont elle obtient des retours importants, ainsi que des mails et des SMS qui permettent des retours plus rapides. « Nous avons suivi les conseils HPF, avec une communication ciblée plutôt que des publicités envoyées à tout-va », explique Patrick Hugli. Depuis l'automne 2015, l'entreprise propose à ses clients une carte de fidélité.

Les producteurs ont dû s'adapter à l'évolution de la fréquentation. « Quand nous avons beaucoup de clients, nous laissons la serre de production de 2 000 m2 ouverte : ils y prennent volontiers un "bain de fleurs" ! Et ça nous permet de diluer le monde sur une surface plus grande. » Un deuxième parking a dû être aménagé « car les gens restent pour se balader ». Les horticulteurs se trouvent confrontés au fur et à mesure à de nouvelles contraintes qu'il leur faut résoudre, comme le passage en caisse qu'il va falloir fluidifier : « Sinon, nous nous retrouvons avec des "chariots fantômes". »

« Notre clientèle étant majoritairement féminine, nous avons pris certaines dispositions : un chemin praticable en talons aiguilles, des chariots peu profonds, des portes automatiques, un parapluie à disposition, une aide pour le chargement... On nous demande de plus en plus de services, par exemple la réalisation des plantations. Les gens ne veulent plus se casser la tête avec le végétal. » Du coup, François Ritlewski et Patrick Hugli réfléchissent à de nouvelles évolutions : la vente à crédit pour la jeune clientèle qui souhaite consommer tout de suite, un forfait de mise en place et d'entretien pour les hôtels...

Valérie Vidril

www.lienhorticole.fr Retrouvez le diaporama en rubrique Photos&Vidéos.

La signalétique du réseau HPF (Horticulteurs et pépiniéristes de France) auquel adhèrent les horticulteurs permet ici d'accueillir les visiteurs.

Les calicots sont personnalisables : ici, Proflora a réalisé une thématique Féerie d'automne.

Les compositions ont beaucoup de succès et sont largement mises en avant.

Toutes les plantes possèdent une étiquette affichant le nom, le prix et un code à barres qui facilite la gestion et le passage en caisse.

Plusieurs exemples de compositions en jardinière sont présentés aux visiteurs. Ces derniers n'ont plus qu'à sélectionner les plantes pour reproduire le modèle.

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